Les plus brillantes et les plus mémorables comédies musicales ont été tournées entre 1945 et 1955, à Hollywood dans les studios de la MGM. Si Jeanette Mac Donald et Deanna Durbin furent en leur temps bien plus célèbres que
Kathryn Grayson, sa grande chance fut sans doute d’être là au bon moment et au bon endroit. Elle a ainsi pu jouer dans d’excellents films avec les plus prestigieux partenaires sous la direction des meilleurs metteurs en scène. Sa beauté, son nez retroussé, qui lui conférait un air un peu mutin, sa très jolie voix de soprano étaient également des atouts non négligeables.
Née en Caroline du Nord en 1922, Kathryn Grayson rêvait depuis sa plus tendre enfance de devenir une célèbre chanteuse d’opéra et d’interpréter les plus célèbres œuvres du genre au Métropolitan de New York. Le sort en décida autrement. Louis B Mayer le célèbre patron de la MGM la remarqua dans un concours radiophonique : séduit par sa voix, puis par sa silhouette, il lui proposa un contrat immédiatement. Très attiré par l’opérette, Mayer cherchait depuis longtemps l’oiseau rare pour concurrencer la populaire divette de l’Universal, Deanna Durbin, qui avait quitté la MGM à la suite d’un malentendu. En outre, s’il n’avait pas réussi à convaincre la jolie Deanna, il avait pu débaucher le producteur de ses films, Joe Pasternak, grand spécialiste des films musicaux mélangeant variétés et musique classique.
Afin de tester Kathryn, on lui confia un rôle dans un épisode de la série provinciale des Andy Hardy dont Mickey Rooney était la vedette. Habitué à séduire toutes ses partenaires, Mickey ne pu mener à bien son plan drague étant donné que « quelqu’un de plus haut avait des vues sur elle dans le studio ».
Dans Rio Rita, comédie loufoque parfois drôle, elle chante quelques airs viennois entre deux pitreries d’Abbott et Costello. Mais Kathryn ne se fait vraiment remarquer qu’en 1943 dans « la parade aux étoiles », musical patriotique avec Gene Kelly et toutes les vedettes sous contrat.
Mignonne comme tout en technicolor, elle chante Verdi avec beaucoup d’assurance. Cela dit aurait elle pu vraiment se produire au Met ou à l’opéra de Paris, comme elle le rêvait ? On peut en douter en lisant l’anecdote d’Arthur Freed sur le tournage de Ziegfeld Follies. Incapable de sortir correctement la dernière note de sa chanson, trop aiguë pour elle, Kathryn fut doublée juste pour cette note finale (Si vous avez le DVD, remettez le et écoutez le : ça s’entend ! A noter que sur le CD de la BOF du film, on attend en revanche la vraie finale de Kathryn, bien moins puissante).
En 1945, Kathryn eut la chance de partager la vedette de Sinatra et Gene Kelly dans le mémorable « Escale à Hollywood », un musical dont la réputation n’est plus à refaire. On se souvient de ses interprétations de jalousie et d’une adaptation de « en écoutant mon cœur chanter » un succès français, dont la partition est d’une simplicité alarmante : 8 fois do, 8 fois ré, 8 fois mi, et ainsi de suite…
Kathryn retrouve Sinatra dans deux autres films, dont curieusement elle se sort bien mieux que lui : tout le monde chante 1947 (avec une brillante interprétation de l’air des clochettes du Lakmé de Léo Delibes (trucage ou pas trucage pour les notes les plus aiguës?)) et le brigand amoureux 1948 qui sera un gros flop.
Tentant de recréer à l’écran un couple aussi populaire que l’avaient été jadis Jeanette Mc Donald et Nelson Eddy, la MGM lance deux films avec Kathryn et le nouveau venu Mario Lanza. Ce dernier connaîtra rapidement un succès phénoménal. Cependant la conduite imprévisible du chanteur sur le plateau (il est souvent ivre et tente dans les scènes romantiques d’imposer des french kisses à Miss Grayson) fera vraiment monter la tension entre les deux acteurs, et Kathryn refusera de reconstituer le binôme.
Néanmoins, il ne faut pas en déduire que malgré cet incident, et son allure souvent guindée dans ses films, Kathryn Grayson était une femme prude et solitaire : elle s’est mariée plusieurs fois (dont une avec le volage crooner Johnnie Johnston) et a eu pendant plusieurs années une liaison avec l’excentrique Howard Hughes (ce qui peut paraître difficile à croire tant la personnalité de l’actrice semble différente des innombrables maîtresses du séducteur. Etait –il fasciné par le tour de poitrine parait-il très avantageux de la chanteuse, qui sur ce point fut comparée à Jane Russell ?).
En 1951, Kathryn est la vedette principale de la luxueuse adaptation à l’écran de Show boat (opérette dont elle avait déjà chanté certains passages dans la pluie qui chante). Franchement, je n’ai guère était séduit par son ennuyeuse interprétation. Ava Gardner, sublime, l’éclipse sans mal.
En 1952, elle retrouve le viril Howard Keel, dans les rois de la couture, un remake d’un vieux film avec Fred Astaire. Outre les splendides ballets de Marge et Gower Champion, on retiendra sa très belle interprétation de l’indémodable « smoke gets in your eyes » (infiniment supérieure à la version originale d’Irène Dunne). Kathryn déclarera plus tard avoir été un peu déçue par ce film. Admirant tout particulièrement le travail du couturier Adrian, elle sera désappointée en constatant que les tenues qu’il a élaboré pour le film ne la mettent guère en valeur.
En 1953, Kathryn trouve son meilleur rôle dans Kiss me Kate, habile adaptation musicale de la mégère apprivoisée. Non seulement, le film est particulièrement réussi, mais son interprétation de l’arrogante partenaire d’Howard Keel est particulièrement convaincante. A cette exception près, il est vraiment regrettable au final que la comédienne ait été confinée toute sa carrière à des rôles d’ingénues falotes, car vraiment elle est vraiment capable d’autre chose. Cependant, on ne lui a quasiment jamais donné la possibilité de faire ses preuves et le rôle de la cantatrice handicapée de mélodie interrompue qu’elle briguait (1955) ne lui sera finalement pas confié.
Après quelques opérettes filmées fort décevantes pour la Warner et une bio sur Grace Moore, Kathryn quitte l’écran en 1956.
Les journaux annoncent à l’époque, qu’elle a la ferme intention d’intensifier ses cours de chants pour jouer au Métropolitan de New York. Le rêve ne se réalisera pas : néanmoins, elle fera des tournées aux USA dans diverses opérettes (parfois avec Howard Keel) et même plus rarement des opéras. Dans les années 80, on l’a vue dans des épisodes de la série Arabesque. Aujourd’hui elle participe encore à des conférences. Si la plupart de ses collègues de la MGM sont décédés à présent (notamment Ann Miller avec laquelle elle était très copine), elle conserve encore des relations amicales avec Jane Powell, l’autre rossignol de la Métro.